24 janvier 2007

J'aurais aimé avoir le talent pour écrire ceci

La méduse
Derrick, série policière allemande, est multi-diffusée sur France 2 pour enrayer la chute d’audience. Retour sur un feuilleton au ralenti qui nous avait appris à laisser pisser
Les années 80 furent celles de "Starsky et Hutch", comme celles des deux zozos bronzés de "Miami Vice", qui traquaient vigoureusement le crime dans des costumes Fabio Lucci. Ça clopait, ça se la jouait, ça mangeait de la bouffe grasse et ça courait dans tout les sens. Ces héros-là étaient décidément trop speed pour la décennie qui allait venir.
Trop gobé
Par bonheur, exhumé des malles moisies de la ZDF, atterrit dans notre poste de télé un gars taillé pour notre fin de siècle. Les yeux exorbités du raver qui a trop gobé, la mollesse du chômeur en fin de droits, l’imperméable à la Marc Dutroux, le célibat comme règle de vie, l’échine courbée du travailleur précaire : l’oberinspecktor de la kriminalpolizei munichoise Stephan Derrick allait incarner, comme aucun autre personnage de fiction, le monde cataclysmique et dépressif qui est le nôtre.
Manque de fer.
Il était donc temps de l’élire homme du mois (le trophée mensuel du magazine Technikart), car, depuis le 20 octobre 1974, Derrick ne cesse de délivrer ses salutaires préceptes existentiels : sois mou et marche droit au milieu du décor qui s’effondre. Après une terrible décennie où il était de bon ton de s’affirmer cocaïnomane et milliardaire, on réapprit, grâce à lui, les vertus de la normalité. C’est pas qu’il soit vraiment glamour l’inspecteur, connu pour son cholestérol et son manque de fer, mais il partage, avec les jeunes générations, un point commun essentiel : lui non plus ne croit pas au monde qui l’entoure et en a marre de jouer la comédie.
281 épisodes
C’est donc avec la nonchalance d’une méduse neurasthénique qu’il traverse ses enquêtes, en évitant courageusement de se battre et en limitant ses cascades à de rares crevaisons pneumatiques. Comble de l’affaire, le héros créé par Herbert Reineker (un fou opiniâtre qui accoucha, sans s’endormir, des 281 épisodes que compte la série) est incarné par un type qui lui ressemble comme deux gouttes de bouillon Knor et répondant au patronyme ultrasexy de Horst Tappert. Né en 1923, Horst est une star très 90’s qui, comme Virginie Ledoyen, bénéficie d’un naturel désarmant.
La pêche
S’il exhibe parfois sa grosse Rolex, Horst se caractérise par des passions simples qu’il assume totalement en emmerdant le monde : il aime les chiens, la randonnée, les uniformes de police, la pêche et l’observation de la nature. Sans craindre de se rendre impopulaire aux yeux du public bavarois, il a même un temps milité en Allemagne pour l’établissement du taux d’alcoolémie à 0,00 gramme par litre de sang. On l’aime tellement bien ce commissaire qu’on est prêt à se faire arrêter par lui la prochaine fois qu’on fumera un joint place de la Bastille.

Minute Maid

On pourra se barrer en courant. Et Derrick, sans lever le petit doigt, nous retrouvera à la fin de l’épisode en passant acheter un Minute Maid dans une épicerie d’Oberkampf. C’est beau la vie. Un énorme livre, intitulé "Derrick, l’ordre des choses", vient de sortir aux éditions de l’Hèbe. L’inspecteur travaille durant la semaine sur France 2 aux alentours de 13h50.
http://www.technikart.com/2001/03/23/301-la-meduse

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